Il est des sujets tellement rébarbatifs qu’on a tendance à ne plus oser en parler.
Et à ne plus en parler, on les laisse exister tranquillement…
J’ai l’impression que je m’évertue à défendre souvent des causes perdues d’avance…
C’est de cette cause perdue mais pas désespérée (j’ose le croire) qu’est le sexisme présent sur nos étiquettes de vin dont je vais débattre aujourd’hui.
Je vous entends d’ici « ahhh la revoilà à nous saouler avec ces histoires » Mais je serai assez pugnace et défendrai le féminisme tant qu’il y aura du sexisme!
Est-on obligé de faire ce genre de référence dangereuse pour vendre du vin? De continuer à véhiculer des messages qui font penser que la femme aime être violentée, que la femme doit être soumise, que la femme aime être violée par un homme dominant et consentant? Cela s’appelle la culture du viol, et c’est de cette culture dont il est aussi question quand une femme dépose plainte et de cette culture aussi dont il est question quand sa plainte n’aboutit pas parce qu’on estime que ce n’est pas si grave d’être contrainte d’être pénétrée ou d’être battue.
Pourtant quand je mets en cause ce genre d’étiquette, on me fait comprendre que je suis un peu coincée, que le sexe c’est comme ça et que c’était juste une blague potache, que je n’ai pas d’humour et qu’il faut que je pense à changer de métier si je ne sais pas rire de cela…
Euhhhh, comment dire…. J’ai 50 ans et j’aimerais qu’on ne m’explique pas ce qu’est le sexe parce que c’est de l’ordre de mon intimité, que la mienne n’est pas la vôtre et vice versa…
Ce qui me gêne vraiment c’est que c’est toujours et uniquement la Femme dont on va se servir pour illustrer ce genre de propos sexuel. Et que c’est presque toujours d’une façon très vulgaire et plutôt ringarde (si si ,c’est très très ringard).
Je n’illustrerai pas mon article avec ce genre d’étiquette, volontairement.
J’ai l’impression aussi que ça va de plus en plus loin, toujours, et que si on ne dit pas STOP, on devrait avoir, sous peu, des QR codes sur les étiquettes qui nous emmèneront vers des sites porno au milieu des vignes, dans les cuves ou que sais je…
Alors même si ces étiquettes semblent plutôt marrantes d’un premier abord, elles peuvent être dangereuses dans le message qu’elles véhiculent.
Le viol n’est pas une pratique sexuelle, c’est un acte violent, un crime puni par la loi.
La fessée est une pratique sexuelle, si elle est consentie par les 2 protagonistes, or bien souvent sur ces étiquettes, on ne perçoit qu’un seul consentement… celui de l’homme.
Et puis l’alcool là au milieu qui sous entend qu’on puisse abuser de quelqu’un qui serait ivre…
J’ai voulu dénoncer ceci sur Facebook, j’ai été bloquée plusieurs jours « pour avoir enfreins les règles de ce réseau social »…
Alors comme une petite fille qui aurait dit un gros mot, on m’a mise au coin, avec interdiction de parler. Avec la menace d’un blocage plus long si je ne respectais pas les règles à nouveau.
Ainsi, petit à petit, on formate notre façon de nous exprimer et de penser avec une liberté de plus en plus restreinte.
Et comme on est tous plus ou moins addicte, on préfère se plier aux règles, plutôt que de se rebeller…
ça fait flipper non?
J’ai pourtant vu passer des vidéos très violentes d’assassinats ou de passages à tabac sur ce réseau. Des photos ou des vidéos à caractères pornographiques. Sans que ça ne les dérange…
Par contre, quand on publie une photo d’une femme qui allaite, ou que l’on dénonce un peu trop violemment le sexisme en citant le mot « couilles », on est immédiatement bloqué…
Je me dis qu’un jour Facebook me rendra un grand service, celui de me bloquer définitivement parce que je n’aurais pas cessé de vouloir m’exprimer.
Souvent je fais un rêve, celui d’un monde où l’on respecterait les femmes, celui d’un monde où l’on ne violerait plus, où l’on n’agresserait plus, celui où l’on ne verrait plus ce genre d’étiquette, parce que l’homme aurait toute sa conscience.
Et puis je me réveille, me lève, je file aux toilettes, j’allume instagram en préparant mon thé et tout me rappelle que ce n’était qu’un rêve.
Je me rappelle aussi cette table ronde « le sexisme dans le monde du vin » lors de l’évènement Womendowine à Paris l’an dernier, que j’avais animé avec Magali et Marie Isabelle et ce sentiment d’effroi qui m’avait envahi après tous les témoignages (et ceux que j’avais eu en privé ensuite…)
J’en ai assez des étiquettes sexistes qui font, au pire l’apologie du viol et au mieux l’instrumentalisation de la femme comme simple objet sexuel.
Qui font passer un message qu’une femme, si elle a bien bu, sera plus facile à prendre ou à claquer. Et qu’on pourra en disposer comme bon nous semble.
Alors comme c’est difficile pour nous, les Femmes, de nous exprimer sur cette question (soit on nous fait taire, soit on nous empêche de parler, soit on n’ose pas l’exprimer…) j’ai décidé de faire parler mon vin, une cuvée précisément, et une étiquette plus particulièrement.
J’ai eu le temps de lancer un post (avant que l’on me bloque la parole!) :
J’ai eu des dizaines de graphistes qui se sont proposés pour me faire le travail. Et je les en remercie!
Ce soir, j’ai discuté longuement avec Silène et c’est elle que j’ai choisit pour travailler sur mon étiquette. Et je sais qu’on fera quelque chose de bien toutes les 2.
Je sais aussi que vous êtes nombreuses à être derrière moi. J’aime vos messages de soutien! On est plus fortes toutes ensemble!
Mon étiquette sera une réponse à ce sexisme imprégné mais je ne la veux pas vulgaire. Je la veux militante, pleine de force, de mot et de courage (celui qui nous manque souvent pour dénoncer ces choses). Je la veux puissante aussi. J’espère qu’elle sera tout cela.
On me dit que je devrais laisser couler, que je vais me mettre des gens à dos, qu’il vaut mieux rester consensuel quand on fait du commerce.
Alors si je ne peux plus vendre du vin, j’irais faire des fromages de chèvres dans le Larzac!
Je me refuse d’être intimidée! Et je me sens envahie d’un courage déraisonné quand il s’agit de défendre la cause des femmes.
J’espère aussi qu’un jour on n’aura plus besoin de se battre pour ces choses là et qu’on ne dira plus à nos filles qu’on a peur pour elles. Dans ce monde là, du vin. Et dans le Monde tout simplement.
Je ne connais qu’un vigneron capable de jouer sur ce registre sans vulgarité et avec beaucoup d’autodérision. Et c’est un des rares à parler de sexualité masculine de façon plutôt objective!!
Et de plus, les vins sont très bons!
Merci Alban Michel !
(qui me dit à l’oreille qu’il aurait voulu faire une étiquette avec sa « bite » mais que l’étiquette était trop grosse » et qu’il pense à faire des mignonnettes!)